Notre envie de l’authentique, du beau, du « exceptionnel » … fait que nous les détruisons.
Une belle plage, une belle vue sur une vallée ou une montagne… et tout le monde veut y aller, voir même y habiter pour pourvoir en profiter pleinement. Alors ce lieu devient l’objet de toutes les attentions notamment touristiques puis financières à outrance.
Ce fut le cas de Saint Tropez : petit village portuaire avec ses pêcheurs, son boulodrome sous les platanes, ses plages de sable fin et cette mer si bleue et silencieuse. Lieu de repli d’une star de l’époque, ce site merveilleux fut envahi par une foule de plus en plus importante et riche. Brigitte Bardot y est allée pour son authenticité et son calme, deux qualités que ce village a perdues.
Qu’est ce qui rend une ville, ou un village, authentique, agréable, humain ?
Les promoteurs l’oublient trop souvent et les acheteurs qui veulent en profiter n’y réfléchissent pas assez.
Ce qui fait la richesse d’un lieu de vie, ce sont les femmes et hommes qui y vivent. Ce sont eux qui contribuent à faire de cet endroit un havre où il fait bon vivre. Poussez ces personnes à partir et le lieu se déshumanise ou se standardise. C’est malheureusement ce qui se passe dans beaucoup de villes.
Pourquoi assistons-nous à une désertification des villes ?
Autopsie d’un village
Prenons un village lambda avec une mairie, une église, une école, des commerçants, des artisans, un boulodrome, un parc pour les enfants, un stade… et un château avec un lac en contre-bas.

Observons ce petit monde : des habitations en centre-ville avec notamment les seniors, en périphérie les habitants désirant un jardin, ou qui ne tiennent pas à la promiscuité et à ses désagréments.
La famille Dupont habite en centre-ville tandis que la famille Maville habite un pavillon.
La famille Dupont est bien contente d’avoir à proximité tous les commerçants de qualité dont elle a besoin : maraichers, boucher, cordonnier, mercerie et le marché un jour par semaine… Monsieur Dupont est boulanger.
La famille Maville doit prendre son véhicule pour aller en ville faire les courses, amener les enfants à l’école et aller à l’église. Pas de souci le parking est gratuit.
A la sortie de l’école, les enfants vont jouer ensemble au parc, les mamans en profitent pour discuter entre elles ou se chargent à tour de rôle de garder les enfants qui s’amusent pendant qu’elles vont faire tranquillement leurs courses.

Les seniors et les hommes profitent du boulodrome pour également échanger et s’amuser régulièrement. Une boisson à la terrasse d’un café et aussi un moment agréable pour refaire le monde.
Toute cette convivialité favorise les rencontres, les partages et bien souvent les invitations à participer à davantage de manifestations, voire à la créer : concours de pétanque, concours de la meilleure tarte au citron, sortie pédestre ou en vélo …
« Vous faites quoi ce dimanche ?

– Oh nous n’avons rien prévu !
– Venez à la maison, on fait un barbecue, la famille Dubois vient également, Jean Pierre va nous aider à planter un cerisier, il en a reçu de splendides dans sa pépinière, qu’est ce qu’ils sont contents d’avoir quitté Marseille !
– Mais oui les enfants s’amuseront entre eux, je fais ma célèbre tarte au citron et nous apportons une bouteille de vin, vous m’en direz des nouvelles ! »
Qu’est ce qu’il fait bon vivre dans ce village !
Et voilà que d’autres personnes veulent en profiter, et font construire aux alentours. Le village s’agrandit. Il faut plus de 15 minutes pour amener les enfants à l’école en voiture, sans compter les embouteillages au carrefour du coin et le manque de place pour se garer dans le village. Il faut mettre des bus scolaires !
Oui mais voilà, cela coûte cher, pour ne pas trop augmenter les impôts, une solution : rendre les parking payant !
… La famille Maville ne vient plus en ville : les enfants vont en bus à l’école, heureusement un supermarché a ouvert, le parking est gratuit et on peut faire toutes les courses sur place.
« Comment çà c’est passé à l’école aujourd’hui ?
– …
– Je te parler, lâche ton téléphone
– Mouais, ça va
– Cela fait un moment que tu ne me parles plus du petit Dupont, vous n’êtes plus copain ?
– Si, mais on ne se voit plus qu’à l’école, en plus il n’a pas de portable !
– Oui c’est vrai que cela fait un moment que je n’ai pas vu ses parents, il faut dire que maintenant je fais mes courses au supermarché, je ne vais plus au village
– Ils vont partir
– Ah bon, pourquoi ?

– Ils vont se rapprocher de leur famille en Ardèche et ouvrir une boulangerie, parce qu’ici c’est trop galère. Il n’y a quasiment plus de client dans le village
– Décidemment, le boucher a fermé, il n’y a plus de cordonnier et maintenant la boulangerie ! Remarques leurs produits sont tellement cher ! Tout le monde va au supermarché. »
Et voilà, schématiquement, comment une ville se désertifie et perd de son authenticité !
Ah oui, j’oubliais… Pour que la commune fasse plus de recettes, elle a réhabilité le château et y a développé un festival du moyen âge qui attire des touristes. Le boulodrome a été remplacé par un parking. Le parc pour les enfants déserté a donné la place à un immeuble de logements sociaux. Des boutiques de souvenirs (made in China) ont fait leur apparition ainsi que des glaciers l’été. Les rues sont fleuries rendant une image agréable aux touristes de passage qui, faute de trouver des hôtels, logent dans des appartements locatifs qui leur permettent de prendre leur repas à domicile. Le prix est certes important mais ils y gagnent en consommant les produits du supermarché. Les propriétaires quant à eux, sont ravis aussi puisque en une saison touristique ils rentabilisent leur logement ! Il faut dire qu’il n’y a plus personnes qui veut habiter au centre-ville dans des maisons qui n’ont pas le confort des pavillons périphériques proches de la nouvelle école, du coup les loyers mensuels ont fortement baissé en raison de l’offre et de la demande.
Tout va bien dans le meilleur des mondes…
Mais où est passé l’âme du village, le charme d’antan ? On entend plus les rires des enfants dans le village, le bruit du choc des boules de pétanques. Il n’y a plus de concours de la meilleure tarte au citron faute de participants et de public. Plus personne ne vient en centre-ville mis à part les touristes !

Ce village a perdu son âme

Cette ville imaginaire existe malheureusement, et je ne parlerai pas de villages entiers qui n’ont plus que des habitants de passage durant les périodes touristiques, ou des habitants étrangers qui y ont amené leur propres cultures… ainsi sur la plage de Boucan Canot à la Réunion, on y trouve un marchand de crêpe, là où avant un réunionnais vous proposer des ananas frais qu’il préparait devant vos yeux émerveillés par sa dextérité, et je ne vous parlerai pas des pizzeria et autres fast-food… faisant perdre aux autochtones la richesse et le savoir-faire des recettes « Péi » d’autrefois !