Avant première

Agnès De Sacy et Philippe Godeau nous offrent un film tout en poésie nous faisant voir le Sénégal autrement au travers d’images subtiles et délicates de ce pays : vastes étendues parsemées de baobabs centenaires.

On est loin des clichés et ce film nous propose une vision d’un pays, de villages où les gens abordent la vie avec la nonchalance propre à leur culture, la bienveillance que notre société de consommation a perdue. Avons-nous raison ?

Quand nos racines nous rappellent d’où on vient, qu’il est doux de se laisser aller et de ressentir les choses. C’est ce que Seydou Tall (Omar Sy) va vivre. Le jeu d’acteur permet de s’attacher à ce personnage qui progressivement va prendre conscience qu’il évolue dans un autre paradigme : valeur du temps qui passe, temps accordé à ses convictions, don de soi…

Le jeune Yao (Lionel Bassé), que notre société pourrait classer dans la case « idéaliste », intelligent, curieux avec un regard qui me rappelle celui de Touiavii (Le Papalagui – Erich Scheurnamnn) trouve du sens à parcourir plus de 300 km pour aller à la rencontre de l’auteur, aux origines sénégalaises, d’un livre qu’il connait par cœur. Son but est de demander des conseils, à cet auteur devenu acteur, pour son meilleur copain. Le regard que porte ce jeune sur le monde est tellement différent du nôtre. Au-delà de la candeur de l’adolescence, il y a la culture, la construction mentale dans une ambiance protectrice d’un village aux valeurs ancestrales, tout ce qui fait que Yao va avoir un regard sur son aventure qu’il va dessiner. Il n’est pas dupe et son attitude très mature, la simplicité de ses réactions ne peut que nous émouvoir. Progressivement lui aussi va comprendre des choses, va construire une relation avec cet homme qui s’impose à lui pour le raccompagner chez lui. Il va être l’observateur de l’évolution de son idole, le rappel de son âme d’enfant.

Le parcours initiatique de Seydou Tall est complexe, telle la vague sur cette plage « bouillonnante », un va et vient entre ce qu’il veut sans le savoir, et ce qu’il ne veut pas : revenir sur la terre de ses ancêtres et voir ce monde dans lequel il aurait pu évoluer, être confronter à des interrogations complexes sur ses origines et son parcours. Puis s’apercevoir que cette terre fait partie de sa chair.

En avant-première, vous apprenez que chaque scène a été tournée de manière chronologique par rapport à l’histoire. Ainsi les acteurs, tout comme les personnages se sont découvert de jour en jour. Cette condition est très certainement ressentie par les spectateurs, ce qui doit aider le jeu des acteurs même s’ils ont un talent indéniable.

Dans la salle un très jeune spectateur qui pose une question toute simple et surprenante pour les adultes sur scène qui, après toute cette expérience n’ont pas réussi à garder/retrouver cette âme d’enfant : l’histoire du film veut que Nathan (fils de Seydou), devant initialement partir au Sénégal avec son père, ne l’accompagnera pas. Mais Yao sait que Seydon a un fils, et va s’inquiéter de lui durant toute l’aventure, et même lui faire un touchant cadeau. La question en salle a été « est ce que Nathan a rencontré Yao ? ». Dans le film l’imaginaire décidera de la réponse, même s’il est en filigrane, mais en réalité les deux acteurs ne se sont pas encore rencontrés. Dans une âme d’enfant cela est triste car l’émotion créée autour de ces deux personnages appelle à une rencontre voire même une amitié.

Voilà comment j’ai ressenti ce film, que je vous conseille d’aller voir. C’est ma vision, mon interprétation, un écho à ma propre histoire : née en France, la première fois que je suis allée à l’Ile de la Réunion, qui a vu naître mes ancêtres du côté maternel, je me suis sentie chez moi, attirée par cette terre, sa lumière, ses paysages et les regards profonds des créoles remplies d’histoires, de blessures, de courage et d’amour.

Ce film est bien cela, une belle histoire d’amour.

En salle dès le 23 janvier 2019 – https://www.lescinemasaixois.com/films/yao