Avatar et moi ou comment survivre durant le traitement d’un #cancer#

Avatar et moi

Oui, j’ai donné l’image d’une femme combative durant les différentes phase de mon cancer.

Oui, j’ai mené de front mon activité professionnelle, des études supérieures et ce cancer.

Oui, j’en suis sortie vivante.

Oui, on nous montre comme des « Warriors » des « Wonderwomen », militantes, combatives, des exemples !

Avais-je le choix ?

… mais NON nous ne sommes pas toutes comme cela, et OUI j’ai eu des phases de doute, de détresse, d’isolement, d’interrogations, des moments dont je ne suis pas fière.

Alors plutôt que de vous raconter le dessus de l’iceberg, je vais le faire fondre et vous raconter le fragment de mon iceberg qui était immergé.

 

« La vie est un combat, la vie est une jungle ! Il faut t’armer pour l’affronter ! » ces phrases résonnent dans ma tête, issues de mon passé, de mon enfance, de mon éducation. Combien de fois ai-je entendu ces phrases dans mon environnement protecteur et familial.

C’est vrai que la vie ne m’a pas épargnée, j’ignore si ces phrases m’ont permis de surmonter les épreuves, mais cette vie m’a prouvé que mes parents avaient raison.

Face à tous ces clichés imposés par notre société, ces diktats véhiculés par les média, ces modèles auxquels nous voulons ressembler pensant qu’en se fondant dans un « moule » nous serons plus heureux, mieux intégrés. Qu’est-ce qui nous fait croire que si nous sommes belles, minces et féminines alors nous serons riches, en pleine santé, adorées par notre environnement familial, amical, sentimental… bref que nous nagerions dans le bonheur ?

Le syndrome des princesses… « ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants »… mais l’histoire s’arrête là, que s’est-il passé après ? Est-ce que la finalité de la vie c’est d’être heureux et d’avoir beaucoup d’enfants, d’avoir beaucoup d’argent, une belle maison, de beaux vêtements ? Est-ce que d’avoir tout cela va nous protéger de la maladie, du vieillissement et des épreuves de la vie ? Combien de personnes peuvent dire qu’elles ont vécu « comme des princes ou des princesses » ? Et si…ils vécurent heureux ?

Pourquoi sommes-nous à la recherche d’une perfection imposée par la société, en permanence dans la recherche du toujours plus : toujours plus mince, toujours plus riche, toujours plus jeune…

Toujours est-il que ces clichés mènent le monde et le rendent aussi malade.

Lorsque la maladie est là, elle nous isole. Même si la discrimination est décriée, on sait bien qu’elle existe à tous les niveaux.

Mais il y a aussi l’isolement protecteur.

Je me suis isolée, volontairement.

Pas un isolement total, mais j’ai fait des choix, mes choix. Pas toujours acceptés par mon entourage, mais cela m’a permis d’évaluer les amitiés sincères, celles qui sont prêtes à accepter et à vous accompagner au mieux dans votre parcours de vie, sans jugement.

Certaines personnes dans mon entourage m’ont reprochée mes choix, me disant que je ne prenais pas soin de moi, que je ne mettais pas toutes les chances de guérison de mon côté, m’ont dit que j’étais inconsciente, et que ce serait ma faute si je ne m’en sortais pas. C’était violent de devoir me justifier.

Mais avais-je vraiment le choix ?

En juin, je me présente à l’université, après un bilan de compétences, pour discuter sur l’éventualité de passer une licence en VAE (validation des acquis). Après un entretien, la responsable me propose de reprendre des études universitaires et de profiter de la rentrée en septembre pour intégrer un Master. Mon profil l’intéresse. Dans ce master sont intégrés des étudiants en formation initiale et des professionnels en formation continue, cela permet une émulation dynamique, un partage générationnel. Ainsi l’âge des étudiants de cette promotion varie entre 22 et 55 ans. L’enseignement se fait à l’université une semaine par mois et le reste du temps je peux assumer mon poste qui correspond aux enseignements que je vais suivre.

Pour moi, à 45 ans, c’est un sacré défi. Après discussion avec mes supérieurs hiérarchiques professionnels et leurs soutiens, je m’engage dans cette aventure.

Constitution de multiples dossiers pour argumenter auprès de ma direction cette formation professionnelle, pour trouver des financements, pour convaincre mon environnement familial… un parcours épuisant jusqu’à mes congés … trois semaines de repos bien méritées, programmées pour le mois d’août.

Finalement, fin juillet, toutes mes démarches ont abouti. Je peux reprendre mes études en septembre et profiter pleinement de mes congés.

Début août, petite mammographie et échographie.

Le sujet de cet article n’est pas l’annonce, alors je passerai sur ce douloureux moment.

«La vie est un combat », donc j’ai affronté la nouvelle et ses perspectives en combattante.

Comment réagir après l’annonce ? Et bien on fait comme le dit la société : on sort la tête bien haute et on affronte ! Belle, pragmatique, souriante… et puis de toute façon je ne suis pas la première (je hais cette phrase !!)

Pragmatique, il faut l’être !! Quel employeur validerait une formation professionnelle et quel organisme la prendrait en charge si la personne a une épée de Damoclès au-dessus de la tête nommée « Cancer » ?… Oh ne cherchez pas trop longtemps, la réponse est simple et efficace… PERSONNE.

Plus de crédit possible, plus de perspective professionnelle, fuite de certaines personnes de votre entourage…le couperet tombe : Fin d’une vie !

Une parade ?

Oui, cacher son état.

Et cela a été MON choix.

Très controversé par des personnes bienveillantes qui ne comprenaient pas. Moi je voulais me laisser la chance de l’espoir d’une rémission rapide et d’une carrière motivante et riche.

J’ai donc « utilisé » mes vacances pour être opérée et me mettre en convalescence. Tumorectomie, ablation d’un ganglion sentinelle…J’ai eu de la chance et en plus je n’allais pas subir de chimiothérapie.

C’est donc combative qu’à la rentrée de septembre, j’assumais mon travail, mes études et mon état de porteuse d’un cancer du sein.

Jusqu’aux séances de radiothérapie.

J’ai opté pour un horaire tardif, aux alentours de 19h30-21h, le centre de radiothérapie était à proximité de mon travail, de mon domicile et de l’université ! Cool. Donc après mon travail ou mes cours, j’allais aux séances et je rentrais me reposer directement chez moi.

Chez moi ! Petit dîner avec mon fils de 16 ans, mise au point sur les devoirs et au dodo !

« Dring, dring, dring ! » : Bonsoir comment vas-tu ? Pas trop fatiguée ? Il est tard !

« Non ça va, mais journée très active blablaba… »

« Dring, dring, dring ! » : Bonsoir comment tu vas? Tu dois être fatiguée ? Tu as vu l’heure !

« Ben oui, mais avec une séance de rayon à 20h, je ne peux pas rentrer tôt »

« Dring, dring, dring ! » : Bonsoir…

Bon je vous la fait courte !

Je comprends le besoin de mon entourage de me prouver qu’il est présent, d’être rassuré, mais à force c’est devenu lassant. Toujours bonne figure, ne pas se plaindre car sinon je vais avoir droit « pourquoi tu ne te mets pas en arrêt maladie ? » et cela non plus je ne le supportais plus. Devoir se justifier.

Au final, j’ai appelé ma mère et lui ai dit que mes amies passeraient par elle, et moi je l’appellerais une fois par semaine, en fonction de ma fatigue.

Oui mais voilà ! L’isolement du soir est devenu insupportable, une fois mon fils couché, la maison rangée, je me retrouvais avec moi-même, une femme malade, fatiguée, pleine de doute, de peurs et en détresse. Les larmes ne coulaient pas à l’extérieur, mais la douleur était à l’intérieur. Elle m’étouffait la nuit, m’empêchait de dormir. Ce qui était paradoxal car j’étais fatiguée et que le sommeil était très indiqué.

 

Un soir j’ai ouvert mon ordinateur et j’ai cherché un site de Tchat. Cela permet d’être en contact avec des personnes simplement avec un pseudo, on ne sait pas qui vous êtes, vous ne savez pas qui vous rencontrez.

Le pseudo que j’avais choisi était très charnels ceci dit je ne m’en étais pas rendu compte tout de suite. Quand vous êtes devant votre écran, qu’on vous demande un pseudo, vous essayez l’originalité, vous vous apercevez qu’il y en a 370 qui ont eu la même idée que vous… donc vous cherchez quelque chose d’original et vous trouvez ! Mon choix final : « doucenuit » en lien avec ce dont j’avais besoin.

 

J’ai eu rapidement du succès, j’arrivais à mener de front 3 à 4 conversations en simultané ! L’expérience aidant, j’ai su détecter en 2-3 échanges les pervers, les dégoutés de la vie, les râleurs et râleuses, les couples échangistes…

Mais dans toute cette faune, quelques pépites en sont sorties. J’ai entretenu des conversations soutenues avec des personnes intéressantes, touchantes, intelligentes. Les relations établies ont été assez durables allant du commercial en déplacement, de l’expatrié pour le travail, du malheureux en ménage ou simplement de l’esseulé du soir.

Avec ces relations, j’étais une autre. Ils ne connaissaient de moi que ce que je voulais bien leur dire et réciproquement, d’ailleurs.

Je me suis construite petit à petit des avatars : blonde, brune, rousse, secrétaire, professeur, caissière, éleveuse de poules, dépressive, enjôleuse, râleuse… tout un panel de caractéristiques que je testais.

C’était trop drôle de voir comment les interlocuteurs réagissaient, très peu ont découvert la faille, la détresse et la sensibilité.

Que c’était bon de ne pas parler de la maladie, j’en arrivais à vivre vraiment la vie de ces avatars au fil des soirs. Un sentiment de pouvoir sur la vie. La capacité à m’introduire dans un corps, une vie différente de la mienne, d’en parler, de faire vivre cet avatar puisque jour après jour, il prenait forme, son histoire s’enrichissait de chaque échange et se construisait.

Au final, j’ai cultivé trois échanges avec beaucoup de tendresse, dont un en particulier, auxquels j’ai raconté la vérité quelques mois après. Ils ont compris.

Je pense que chacun peut trouver des solutions pour mieux vivre la maladie et quelquefois il faut oser faire des choses que l’on n’aurait jamais faites auparavant. Pour ma part, je me suis découverte créatrice d’histoires de vie frauduleuse, mais cela a occupé mes soirées de solitude de façon ludique et bénéfique. Des intermèdes pour se croire et se sentir différente.

8 réflexions sur “Avatar et moi ou comment survivre durant le traitement d’un #cancer#

  1. tatieu26

    Toujours surprenant lorsque les événements sont bout à bout, même si on connaît des passages de l’histoire.
    Respect…de pouvoir puiser sa force dans ses doutes et ses peurs, dans sa fuite et ses affrontements.

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